
Par Chris Hedges, le 10 juillet 2025
Les sanctions prises par l'administration Trump à l'encontre de Francesca Albanese, rapporteure spéciale des Nations unies, sont le présage effrayant de la fin de la primauté du droit international.
Lorsque l'histoire du génocide de Gaza s'écrira, Francesca Albanese, la rapporteure spéciale des Nations unies que l'administration Trump sanctionne aujourd'hui, figurera parmi les plus courageuses et virulentes avocates de la justice et du respect du droit international. Son bureau supervise et signale les violations des droits humains commises par Israël à l'encontre des Palestiniens.
Menacée de mort et victime de campagnes de diffamation orchestrées par Israël et ses alliés, elle n'hésite pas à tenir pour responsables ceux qui soutiennent et perpétuent le génocide. Elle fustige ce qu'elle appelle "la corruption morale et politique du monde" qui permet de perpétrer le génocide.
Son Bureau a publié des rapports détaillés documentant les crimes de guerre commis à Gaza et en Cisjordanie, dont l'un, intitulé Genocide as colonial erasure [Le génocide : un effacement colonial], que j'ai intégré en annexe à mon dernier livre, A Genocide Foretold [Chronique d'un génocide annoncé]. Elle a informé des organisations non gouvernementales qu'elles "encourent des sanctions pénales" pour avoir aidé Israël à commettre un génocide à Gaza.
Elle a annoncé son intention de poursuivre l'ancien Premier ministre britannique David Cameron et l'ancien Premier ministre Rishi Sunak pour infraction pénale, en vertu du Statut de Rome, si les informations selon lesquelles Cameron a menacé de retirer le financement du Royaume-Uni à la CPI après l'émission de mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et l'ancien ministre de la Défense Yoav Gallant, devaient se confirmer. Ce Statut criminalise en effet ceux qui tentent d'empêcher les poursuites pour crimes de guerre.
Elle a appelé les hauts responsables de l'Union européenne à répondre de complicité de crimes de guerre pour leur soutien au génocide, estimant que leurs actions ne sauraient rester impunies. Elle a salué l'action de l'équipage de la flottille Madleen, parti briser le blocus de Gaza et livrer de l'aide humanitaire, en écrivant que le bateau intercepté par Israël transportait non seulement des fournitures, mais aussi un message d'humanité.
Vous pouvez voir on interview de Mme Albanese ici .
youtube-nocookie.comCe dernier rapport recense 48 entreprises et institutions, dont Palantir Technologies Inc., Lockheed Martin, Alphabet Inc. (Google), Amazon, International Business Machines Corporation (IBM), Caterpillar Inc., Microsoft Corporation et le Massachusetts Institute of Technology (MIT), ainsi que des banques et des sociétés financières telles que BlackRock, des assureurs, des sociétés immobilières et des organisations caritatives. Toutes ces entités tirent des milliards de dollars de l'occupation et du génocide des Palestiniens, en violation du droit international.
Vous pouvez lire mon article sur ce rapport ici.
Le secrétaire d'État Marco Rubio a condamné son soutien à la CPI, alors que quatre de ses juges ont été sanctionnés par les États-Unis pour avoir émis des mandats d'arrêt contre Netanyahu et Gallant l'année dernière. Il a critiqué Mme Albanese pour ses intentions de poursuivre les ressortissants américains ou israéliens qui soutiennent le génocide, estimant qu'elle est inapte à exercer les fonctions de rapporteure spéciale. Il a également accusé Mme Albanese d'avoir
"déversé un antisémitisme éhonté, exprimé son soutien au terrorisme et manifesté un profond mépris pour les États-Unis, Israël et l'Occident".
Ces sanctions lui interdiront très probablement de se rendre aux États-Unis et geleront tous les avoirs qu'elle pourrait détenir dans ce pays.
L'attaque contre Mme Albanese présage un monde sans lois, où des États voyous, tels que les États-Unis et Israël, peuvent commettre des crimes de guerre et des génocides en toute impunité. Elle dévoile les stratagèmes utilisés pour nous leurrer, tant nous-mêmes que les autres. Elle expose notre hypocrisie, notre cruauté et notre racisme. Désormais, personne ne croira plus en nos engagements déclarés en faveur de la démocratie, de la liberté d'expression, de l'État de droit ou des droits humains. Et qui pourrait leur en vouloir ? Nous ne connaissons que le langage de la force, celui des brutes, des massacres et des génocides.
"Les meurtres, les massacres, les tortures physiques et psychologiques, les destructions, imposer des conditions de vie impossibles à la population de Gaza, détruire les hôpitaux, déporter et déraciner une populations, alors qu'elle est bombardée et affamée jour après jour... Comment interpréter ces actes autrement ?" a demandé Albanese dans mon interview avec elle, au sujet de son rapport intitulé "Le génocide comme effacement colonial".
Les drones armés, les hélicoptères de combat, les murs et les barrières, les checkpoints, les barbelés, les tours de guet, les centres de détention, les expulsions, la brutalité, la torture, le refus des visas, la ségrégation subie par les sans-papiers, le déni des droits individuels et la surveillance électronique ont des effets aussi dévastateurs sur les migrants qui tentent de passer la frontière mexicaine ou d'entrer en Europe que sur les Palestiniens.
Telle est la réalité à laquelle sont confrontés ceux que Frantz Fanon appelait "les damnés de la terre".
Et ceux qui défendent les opprimés, comme Mme Albanese, subiront le même sort.
Traduit par Spirit of Free Speech